15/05/2025 chroniquepalestine.com  7min #278023

 Israël reprend son agression contre Gaza et rompt le cessez-le-feu

La vie des enfants palestiniens compte !


Une fillette palestinienne dans l'une des tentes servant d'école - Photo : Farida Algoul / We Are Not Numbers

Par  Farida Algoul

Plus de 20 000 enfants ont été délibérément pris pour cible et assassinés à Gaza depuis le début de la guerre.

Dans toutes les communautés du monde, les enfants jouissent d'un statut privilégié, ils sont précieux. Ils sont petits, vulnérables et innocents. Nous les protégeons, les éduquons, les nourrissons. Nous assurons leur sécurité à tout prix.

Les enfants nous émerveillent au fur et à mesure de leur développement - leurs premiers pas, leurs premiers mots, etc.. Ils finissent par grandir en tirant parti de ce qui les a précédés. C'est la nouvelle génération qui nous fait progresser. C'est le cycle de la vie.

Il faut être le mal incarné pour cibler délibérément les enfants et se réjouir de leur mort et de leur souffrance. Pourtant certains dirigeants politiques et extrémistes religieux en Israël appellent au meurtre de nos enfants palestiniens chéris et le célèbrent publiquement.

Assurément, personne ne croit vraiment que le meurtre de plus de 20 000 enfants pourrait être autre chose qu'une tentative intentionnelle et délibérée d'exterminer totalement les enfants de Gaza ? Exprimé autrement, il s'agit d'un nettoyage ethnique.

Elle s'appelait Diana

Le matin de l'Aïd, la petite Diana Altourk, âgée de six ans - fille, sœur, petite fille, élève et ma petite cousine bien aimée et totalement innocente - tournoyait dans sa nouvelle robe rose. Elle était brodée de fils d'argent, qui brillaient de mille feux - tout comme Diana, elle-même.

La mère de Diana, Sabrine, la seule sœur de mon père qui lui restait, avait choisi la robe de sa fille des semaines plus tôt même si l'argent était compté. Diana, arborant un sourire radieux, un ballon vert dans une main et un petit sachet de bonbons en papier dans l'autre nous ravissait tous. Nous voyions dans ses yeux, et elle contribuait à nous le faire croire, que ce jour allait être le plus beau de sa vie.


Les enfants auxquels Farida enseignait ; cette photo a été prise avant le 7 octobre ; beaucoup de ces enfants ont depuis été tués - Photo : Farida Algoul / We Are Not Numbers

Elle ne savait pas. Nous ne savions pas. Ce serait le dernier.

Tôt le matin du 18 mars, 2025, Israël a repris son assaut sur Gaza après un cessez-le-feu précaire ne durant que 42 jours.

Ce jour-là, le quartier de Diana à Khan Younis était animé et résonnait de rires. Les enfants se pourchassaient à travers les allées étroites, leurs sandales claquant contre le béton chaud. Sabrine cria à Diana par la fenêtre de ne pas trop s'éloigner. Ahmed, le père de Diana, distribuait des bonbons à sa fille, à son petit frère, et aux autres enfants du quartier.

Malgré la mort, la destruction, et la souffrance incessantes infligées par les attaques aériennes israéliennes, nous essayons toujours de saisir des moments de normalité. Même si ce n'est que pour quelques précieuses heures, nous nous laissons aller à croire que les drones et les bombes ne sont qu'un souvenir lointain. L'espace de quelques brefs instants, nous nous persuadons que la vie a repris son cours normal. C'était l'Aïd et Dieu était avec nous, après tout.

Diana ne comprenait pas la politique qui avait déchiré Gaza. Elle ne savait rien des frontières et des blocus. Ni même des cessez-le-feu qui ne duraient jamais. Mais Gaza était le seul monde qu'elle n'ait jamais connu, et comme nous tous, elle connaissait la peur.

Elle savait ce que ça signifiait lorsque ma tante Sabrine poussait un cri en réaction au vrombissement lointain d'un jet. Elle connaissait les silences qui s'en suivaient lorsque l'électricité était coupée. Elle savait qu'elle devait saisir la main de son petit frère et courir vers le couloir lorsque le ciel s'illuninait de rouge.

Sa courte vie avait été dominée par ces évènements et pourtant elle était si résistante.

Imaginez ceci rien qu'un instant. Et puis pensez à votre enfant, votre petit-enfant, votre frère/sœur cadet.e, ou votre ami.

Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui c'était l'Aîd. Nous étions si reconnaissants d'être tout simplement ensemble.

À 10 heures et 17 minutes, tout changea.

Un grondement soudain déchira le ciel. Puis suivit le tonnerre d'une explosion. De la poussière et des débris jaillirent dans l'air. L'allée où Diana était en train de jouer disparut dans un nuage de fumée et de feu. Des hurlements suivirent. Le chaos. Des gens couraient. La Voix de Sabrine criait : « Ma fille ! Ma fille ! »

Pendant des heures, Sabrine et Ahmed creusèrent dans les décombres. Quelqu'un trouva sa poupée - sa robe était brûlée et l'un de ses bras avait été arraché. Plus tard, quelqu'un trouva une petite sandale. Elle était rose, avec une boucle argentée.

Puis nous l'avons trouvée.

Il n'y avait pas eu de cri de Diana à vous glacer le sang. Pas de sauvetage miraculeux. Rien que son petit corps, immobile et couvert de poussière. Son sourire avait disparu. Son ballon vert s'était échappé dans le ciel, sans que personne ne le remarque.

La mère de Diana s'est effondrée, tandis qu'Ahmed, debout silencieux, regardait les ruines de la maison qu'il avait construite de ses propres mains.il n'y aurait plus d'Aïd dans cette maison. Plus de rires. Plus de danses en robe rose. La vie telle que nous l'avions connue ne serait plus.

Comment supporter l'insupportable

La perte de Diana et de milliers d'enfants palestiniens comme elle, est inconcevable. Ahmed et Sabrine ne seront plus jamais les mêmes. Leur vie a été déchirée. Leur cœur à jamais brisé.


Enseignement dans l'une des tentes servant d'école - Photo : Farida Algoul / We Are Not Numbers

Nous poursuivons notre vie, mais personne ne se remet de ce genre de traumatisme. Le chagrin nous paralyse et nous ne sommes plus capables d'envisager l'avenir sans nos enfants. Nos petits cousins. Nos frères et sœurs. Nos jeunes amis.

Dans les jours qui ont suivi, le monde a suivi son cours. Les infos israéliennes ont rapporté l'attaque aérienne qui a assassiné Diana comme étant un « dommage collatéral. » Les portes paroles de l'armée ont prétendu qu'ils visaient une cache d'armes. Mais il n'y avait pas d'armes dans les mains de Diana. Seulement un ballon vert et des sucreries.

Incroyablement, Diana n'était que l'une de centaines d'enfants tués ce mois-là par Israël. Comme des milliers d'autres parents, Sabrina et Ahmed sont dévastés par la perte tragique et totalement inutile de leur fille chérie.

Il n'y a pas de mots pour exprimer ce qui arrive à nos magnifiques enfants. Cela dépasse la plus diabolique et monstrueuse des imaginations.

Ceux qui soutiennent ce génocide. Ceux qui choisissent de regarder ailleurs. Et ceux qui gardent le silence pour ne pas perturber leur vie confortable. Le jour viendra où ils seront jugés et devront rendre des comptes pour la perte de toute une génération.

Je prie pour que vienne le jour où le monde nous voit et reconnaisse notre humanité. Le jour où finalement le monde se lèvera pour arrêter Israël. Pour arrêter le massacre obscène d'enfants coupables seulement d'une seule chose au cours de leur brève vie - d'être nés à Gaza.

Cela ne devrait pas être puni de la peine mort.

Auteur :  Farida Algoul

* Farida Algoul est professeure d'anglais et interprète. Elle incarne la résilience et la passion dans tous les aspects de son travail. Originaire d'Hirbia, son parcours a commencé lorsque sa famille a été déplacée à Gaza en 1967, un endroit qu'elle considère aujourd'hui comme sa patrie. Avant la guerre, Farida était une professionnelle ambitieuse qui s'épanouissait en tant que professeure et interprète chez Médecins Sans Frontières (MSF), la Croix-Rouge canadienne (CRC) et le Centre palestinien pour la démocratie et la résolution des conflits (PCDCR). Elle a également fondé la Follow Me Academy, où elle enseigne l'anglais à des élèves de tous âges, enfants et adultes.

7 mai 2025-  We are not numbers - Traduction:  Chronique de Palestine - MJB

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